SANTÉ

Bronzage artificiel : une pratique toujours aussi dangereuse malgré les alertes.

Entre quête du teint parfait et risques trop élevés, les cabines UV continuent d’attirer malgré les mises en garde. Mais à quel prix ?
En plein cœur du mois de février, la tentation d’arborer un teint hâlé se fait pressante. Pour certains, la solution miracle ne réside pas dans un voyage sous les tropiques, mais bien dans une séance express en cabine UV. Selon le Baromètre cancer 2010, 13,4 % des Français âgés de 15 à 75 ans déclaraient avoir utilisé des cabines de bronzage au moins une fois dans leur vie, et 3,5 % au cours des 12 mois précédant l’enquête. Cinq ans plus tard, en 2015, une nouvelle étude montrait une baisse de cette tendance, avec seulement 1,5 % des Français ayant eu recours aux UV artificiels. Pourtant, cette diminution ne signifie pas pour autant que le problème est en voie de disparition.
Malgré les alertes sanitaires et la demande d’interdiction formulée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) depuis 2018, les centres de bronzage continuent de se multiplier. Comme le souligne Olivier Merckel, chef de l’unité d’évalua6on des risques aux agents physiques à l’Anses : « On recommande l’arrêt de l’ac9vité liée au bronzage ar9ficiel, ainsi que la cessa9on de la vente d’appareils délivrant des UV à visée esthé9que, notamment aux par9culiers ». Pourtant, de nombreux établissements restent ouverts, et pire encore, une grande partie d’entre eux ne respecterait pas les normes en vigueur.
 
« Du moment où vous êtes sympathique, il n’y a pas de souci »
Selon une enquête du magazine Capital, en 2016, sur 982 établissements contrôlés, principalement des instituts de beauté ainsi que des centres de bronzage, 63 % présentaient des non-conformités. Celles-ci concernaient aussi bien des pratiques commerciales douteuses que le non-respect de réglementations mises en place dès 2013. Le média prouve également que « certains appareils en fonctionnement n’avaient fait l’objet d’aucun contrôle technique depuis 7 ans, alors qu’un contrôle périodique (doit) être réalisé tous les 2 ans ». Autre constat alarmant : plusieurs employés exerçaient sans formation ni diplôme en esthétique.
Dans certains instituts de beauté, il est obligatoire d’afficher les diplômes du personnel afin d’informer la clientèle des dangers liés aux UV. Pour exercer dans un salon de bronzage, une formation spécifique, d’une durée d’1 à 2 jours ainsi que payante, est censée être obligatoire. Mais cette règle n’est pas toujours respectée. Une enquête en caméra cachée révèle des pratiques douteuses dans certains centres. Une journaliste se fait passer pour une étudiante en quête d’un emploi. Lors de son entretien, on lui explique qu’aucune formation n’est requise pour travailler dans le centre. Comme le déclare l’employée : « À partir du moment où vous êtes sympathique et commerciale, il n’y a pas de souci.» Ce reportage montre également l’un des cobayes, à la peau claire et présentant un phototype 1, ce qui signifie qu’elle ne devrait en aucun cas être exposée aux UV artificiels. Pourtant, ce même institut n’a pas hésité à lui proposer jusqu’à 3 séances.
Si les instituts de bronzage en cabine respectent peu les normes, c’est en grande partie à cause d’une pression commerciale, comme l’explique le Dr Jean-Pierre Cesarini, président de l’Association Sécurité Solaire. « Il faut faire du chiffre, c’est là le problème. Nous avons une pratique commerciale dont l’objectif est à l’exact opposé de la santé publique.» , explique-t-il.
 
Un coup bas selon les promoteurs des cabines
Face aux alertes sanitaires et aux demandes d’interdiction de l’Anses, les professionnels du secteur se défendent. « Cette interdiction ne repose sur aucun élément scientifique solide et constitue un coup bas contre un secteur qui emploie 10 500 personnes en France », affirme Marc Boutet, président du Syndicat des professionnels du bronzage en cabine. Il estime que seuls 5 à 7 % de la population seraient réellement à risque, notamment les personnes rousses ou ayant des antécédents de cancers de la peau.
Pourtant, les spécialistes en dermatologie affirment l’inverse. « Aujourd’hui, cela ne fait plus aucun doute : les UV artificiels augmentent le risque de cancer de la peau, même à faible dose et sans coup de soleil », explique Géraldine Zamansky. Le site de l’Anses souligne également un autre danger méconnu : l’addiction au bronzage. Ce trouble psychiatrique, récemment reconnu, pousse certaines personnes à multiplier les séances malgré un diagnostic de mélanome malin. Enfin, l’exposition aux UV artificiels accélère aussi le vieillissement cutané comme l’explique Pauline Morin, ingénieure chimiste chez Tipology.



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By ClemBodeau2023